LA REFORME DU DIVORCE 2020
La réforme du divorce judiciaire entrera en application le 1er septembre 2020.
La procédure de divorce sera modifiée en profondeur, la phase de conciliation étant supprimée.
Dans la législation actuelle, le demandeur qui introduit une requête en divorce ne formule dans un premier temps que des mesures provisoires destinées à être appliquées pendant la durée de la procédure.
Le juge statue sur ces demandes provisoires qui vont organiser la vie des époux et de leurs enfants pendant le divorce.
Ce n’est que plusieurs mois après l’introduction de sa requête que le demandeur va former ses demandes définitives et choisir vers quel type de divorce il s’oriente ( divorce accepté , divorce pour faute ou divorce pour altération définitive du lien conjugal).
Dans la future loi la phase de conciliation étant supprimée, le demandeur devra former d’emblée ses demandes définitives.
I/ MESURES PROVISOIRES :
Des mesures provisoires pourront toutefois toujours être demandées dans le cadre de l’instance dès le début de la procédure.
Une audience de procédure dédiée sera mise en place systématiquement sauf si les parties y renoncent (ou la partie seule constituée si l’autre partie est défaillante).
Le futur article 254 du Code civil prévoit : « Le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à l’issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l’existence des époux et des enfants de l’introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux. »
La liste des mesures provisoires n’est pas modifiée (article 255 et 256 du Code civil)
Si une ou plusieurs mesures provisoires prévues aux articles 254 à 256 du Code civil sont sollicitées par au moins l’une des parties, le juge de ma lise en état statue.
Lorsqu’il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les accords que les époux ont déjà conclus entre eux.
Le régime procédural de ces mesures provisoires sera fixé par décret qui devrait paraître fin décembre 2019.
II/ CONTENU DE LA DEMANDE EN DIVORCE :
La demande en divorce devra comporter l’énoncé des mesures définitives souhaitées à l’occasion du divorce, notamment en ce qui concerne :
– l’usage du nom,
– le projet de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux de époux
– la demande éventuelle de report de la date d’effet du divorce,
– la prestation compensatoire,
– le cas échéant l’attribution d’un droit au bail
– une éventuelle demande d’attribution préférentielle d’un bien,
– une éventuelle demande de dommages et intérêts,
– le cas échéant les demandes concernant la liquidation,
– l’ensemble des mesures concernant les enfants.
La demande devra en outre rappeler les dispositions relatives à la médiation en matière familiale et les dispositions relatives à la procédure participative.
La demande de divorce devra également rappeler les dispositions relatives à l’homologation d’accords partiels ou complets des parties sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et sur les conséquences du divorce:
III/ MOTIVATION DE LA DEMANDE EN DIVORCE :
La demande pourra être motivée uniquement si elle est fondée sur l’acceptation du divorce ou sur l’altération définitive du lien conjugal :
Le futur article 251 du Code civil prévoit que : « L’époux qui introduit l’instance en divorce peut indiquer les motifs de sa demande si celle-ci est fondée sur l’acceptation du principe de la rupture du mariage ou l’altération définitive du lien conjugal. Hors ces deux cas, le fondement de la demande doit être exposé dans les premières conclusions au fond. »
Ceci pourra poser problème pour le défendeur qui ne saura pas dans un premier temps sur quoi il doit se défendre si la demande n’est pas motivée ( le juge ne saura pas non plus comment fixer son calendrier de mise en état).
IV/ MODIFICATIONS DU DIVORCE ACCEPTÉ :
Le futur Article 233 code civil prévoit : « Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.
Il peut être demandé par l’un ou l’autre des époux ou par les deux lorsque chacun d’eux, assisté d’un avocat, a accepté le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats, qui peut être conclu avant l’introduction de l’instance.
Le principe de la rupture du mariage peut aussi être accepté par les époux à tout moment de la procédure.
L’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel. »
L’acceptation pourra donc être donnée par les époux avant la saisine du tribunal par acte sous seing privé contresigné par avocats.
Des négociations entre les époux et leurs avocats interviendront donc en amont de la procédure de divorce.
Si ces négociations aboutissent la procédure elle-même devrait être rapide.
L’acceptation pourra également intervenir à tout moment de la procédure.
On peut également noter que le divorce accepté sera accessible aux majeurs protégés.
V/ MODIFICATION DIVORCE POUR ALTÉRATION DÉFINITIVE DU LIEN CONJUGAL :
Le futur article 238 Code civil prévoit : « L’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce.
Si le demandeur a introduit l’instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce.
Toutefois, sans préjudice des dispositions de l’article 246, dès lors qu’une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d’un an ne soit exigé. »
Si la demande en divorce est motivée et mentionne l’altération définitive du lien conjugal comme fondement de la demande, il faudra donc que le délai d’un an soit écoulé pour pouvoir introduire valablement la demande.
Mais si la demande initiale est muette sur le fondement de la demande, alors il faudra un an de séparation au moment où le divorce sera prononcé.
Dans cette hypothèse le demandeur introduira la demande en divorce (non motivée) sans que le délai d’un an soit écoulé.
VI/ DATE D’EFFET DU DIVORCE :
Le futur article 262-1 du Code civil prévoit :
« le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :….
– lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de la demande en divorce.
A la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu’à la demande en divorce, sauf décision contraire du juge. »
La date d’effet sera donc la date de la demande en divorce en non plus la date de l’ordonnance de non conciliation.
Cela donnera un grand pouvoir au demandeur qui va en réalité fixer la date des effets du divorce.
La future loi modifie donc en profondeur la procédure de divorce.
De nombreux points restent en suspend à ce jour dans la mesure où le décret d’application de la loi ne paraîtra dans sa version définitive que fin décembre 2019.
Il est d’ores et déjà certain qu’une étude approfondie de la situation sera nécessaire avant d’introduire la procédure. Le demandeur devra avoir réfléchi non seulement à l’organisation de la séparation, mais à toutes les conséquences du divorce avant même d’avoir introduit sa demande. C’est rarement le cas à ce jour et la démarche sera donc différente pour les époux comme pour les avocats.
Si le demandeur recherche un accord avec le conjoint, une phase de discussion et de négociation entre les parties et leurs avocats précédera la procédure elle-même.
Dominique FERRANTE
Avocat à PARIS